Importance du mois sacré de Ramadan
Le Ramadan constitue l’un des 5 piliers de l’Islam dont le but est d’atteindre une croissance spirituelle, une meilleure maîtrise de soi et d’apprendre la bonté. Durant ce mois sacré, les musulmans en bonne santé s’abstiennent de manger et de boire du lever au coucher du soleil, puis rompent le jeûne par un repas festif. C’est une période très importante sur le plan religieux, culturel et social. Il s’agit souvent d’un vrai dilemme pour le patient diabétique qui doit composer avec sa foi et sa maladie.
Peut-on jeûner ou non lorsque l’on est diabétique ?
Selon les principes religieux, le jeûne ne doit pas créer de difficultés excessives pour les personnes fragiles. Le choix de jeûner est une question spirituelle qui appartient à chacun, mais il doit s’agir d’une décision éclairée, prise en concertation avec son médecin de suivi car le jeûne expose à de multiples risques.
Des changements profonds de mode de vie durant le mois de Ramadan
Le mois de Ramadan est marqué non seulement par l’abstinence alimentaire et hydrique diurne, mais également la modification des activités, des horaires de sommeil et des relations sociales. Il s’accompagne de modifications profondes des pratiques alimentaires en termes d’horaires, de nature des repas (cuisine spécifique du Ramadan) et d’habitudes alimentaires (nombreuses interactions sociales et familiales). Les prises alimentaires s’organisent le plus souvent autour de 2 à 3 repas : l’Iftar lors de la rupture du jeûne, éventuellement un dîner, et le Sohoor consommé avant l’aube. L’alimentation, de nature festive, est généralement hypercalorique (surtout au moment de l’Iftar), riche en aliments gras et sucrés, et pauvre en fibres.
Quelles conséquences pour la personne diabétique ?
Les principaux risques encourus par les patients diabétiques durant le Ramadan sont les suivants : hypoglycémie (taux de sucre dans le sang trop bas), hyperglycémie (taux de sucre dans le sang trop élevé), acidocétose (acidité excessive du sang causée par l’accumulation toxique de corps cétoniques, conséquence d’une insuffisance d’insuline dans le sang), déshydratation et thrombose.
Prenons quelques exemples :
- Le repas du Sohoor « sauté » ou consommé trop tôt, peut entraîner une hypoglycémie avant l’Iftar, en particulier si la saisonnalité impose une durée de jeûne plus longue.
- La pratique d’une activité physique trop intense durant la période de jeûne peut également conduire à une hypoglycémie.
- La consommation de repas extrêmement copieux à l’Iftar peut entrainer une hyperglycémie sévère.
- La consommation importante de glucides et de sucre au moment de l’Iftar, ou entre l’Iftar et le Sohoor, provoque également un pic glycémique sévère.
- Les grignotages ou la consommation fréquente de collations entre les repas principaux contribuent à des périodes prolongées d’hyperglycémie.
- Une consommation insuffisante d’eau entraine un risque non négligeable de déshydratation, surtout en période de fortes chaleurs et chez les personnes sensibles (par exemple les personnes âgées ou en cas de fièvre). La déshydratation, si elle n’est pas corrigée, risque d’accentuer un déséquilibre glycémique préexistant ou de provoquer la survenue d’un coma diabétique.
L’hypoglycémie doit immédiatement être compensée par la prise de glucide (ce qui implique une rupture du jeûne) car elle peut conduire à des manifestations graves pouvant aller jusqu’au coma hypoglycémique.
La glycémie élevée augmente le risque de thrombose (circulation sanguine bloquée par un caillot). Enfin, lorsque l’hyperglycémie est couplée à un traitement inadapté au regard d’apports caloriques excessifs, il peut y avoir production par l’organisme de corps cétoniques à l’origine d’une acidocétose pouvant conduire au coma.
Il s’agit de complications aiguës graves dont la fréquence augmente durant la période de Ramadan. Ainsi par exemple, le risque d’hypoglycémie sévère est multiplié par 4,7 chez les personnes diabétiques de type 1 et par 7,5 chez les personnes diabétiques de type 2[1].
Alors faire ou ne pas faire le Ramadan lorsque l’on est diabétique ?
Les risques ne sont pas les mêmes pour toutes les personnes diabétiques : ils varient selon le type de diabète, l’état de santé général, le stade d’évolution de la maladie… (cf. encadré)
Votre médecin pourra vous aider à bien évaluer le risque associé au jeûne du Ramadan. Il est essentiel de le consulter deux mois avant le début du Ramadan pour bien évaluer votre situation personnelle, prendre une décision éclairée et préparer la période du Ramadan. Gardez à l’esprit que le diabète est une maladie évolutive nécessitant des adaptations thérapeutiques régulières : il est important de refaire le point chaque année avec son médecin avant la période de Ramadan (il arrivera probablement un moment où le jeûne sera contre-indiqué du fait de l’aggravation du diabète).
Il existe plusieurs consensus d’experts visant à optimiser la prise en charge du diabète pendant le Ramadan. La Fédération internationale du diabète (IDF) et l’Alliance internationale Diabète et Ramadan (DAR) ont publié des recommandations très complètes1 qui proposent une classification en 3 niveaux de risque :
- Patients à très haut risque : hypoglycémie sévère, acidocétose ou coma hyperosmolaire lors des 3 derniers mois ; hypoglycémies itératives et/ou non ressenties ; diabète de type 1 mal contrôlé ; complications macrovasculaires évoluées ; insuffisance rénale stade 4/5 ou dialyse ; femme enceinte traitée par insuline ; sujet âgé fragile ; maladie aiguë intercurrente ;
- Patients à haut risque : diabète de type 2 mal contrôlé ; diabète de type 2 bien contrôlé sous multi-injections d’insuline ; diabète de type 1 bien contrôlé ; insuffisance rénale chronique stade 3 ; complications macrovasculaires stables ; femme enceinte sous régime seul ; comorbidités significatives ; traitements pouvant induire des troubles cognitifs ; exercice physique intense ;
- et patients à risque faible ou modéré : diabète de type 2 bien contrôlé sous antidiabétiques oraux, GLP-1 et/ou insuline basale.
Les 10 conseils MEDAVI
Si vous choisissez, en concertation avec votre équipe de santé, de suivre le jeûne, voici 10 règles de base pour vous permettre de bien vivre le mois de Ramadan :
1. Préparer le jeûne un ou deux mois à l’avance avec votre médecin.
2. Savoir reconnaître les signes d’hypoglycémie, d’hyperglycémie, et d’acidocétose.
3. Accepter de rompre le jeûne en cas de complication aiguë.
4. Maintenir une alimentation saine et équilibrée.
5. Veiller à bien s’hydrater en dehors des heures de jeûne.
6. Bien suivre le traitement médicamenteux, selon les recommandations de votre médecin.
7. Limiter l’activité physique et sportive durant la période de jeûne et privilégier un exercice modéré 2 h après la rupture du jeûne.
8. Contrôler régulièrement ses glycémies capillaires selon le programme d’autosurveillance défini par votre médecin (il d’agit d’une pratique autorisée durant la journée et qui n’annule pas le jeûne).
9. Connaître les situations imposant une rupture ponctuelle ou durable du jeûne.
10. Impliquer la famille et votre entourage pour vous aider à maintenir le bon équilibre (en particulier au moment des repas) et vous assister en cas de complication
[1] Source : IDF (International Diabetes Federation) – DAR (Diabetes and Ramadan International Alliance), Diabetes and Ramadan – Practical Guidelines 2021